Allocutio du Père Bede McGregor, op Directeur spirituel du Concilium Mars 2016

La Grâce de la Semaine Sainte
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Aujourd’hui, dimanche des Rameaux, nous commençons la célébration de la Semaine Sainte, le cœur de l’année liturgique. Comme nous le savons la liturgie n’est pas seulement l’approfondissement de notre compréhension des idéaux et des valeurs chrétiennes, mais elle est principalement l’entrée dans la réalité du Christ et de ses mystères : elle est de vivre le mystère du Christ et surtout son mystère pascal. Le Pape Benoît XVI dans sa retraite nous donne une rare interview publiée la semaine dernière ; il explique l’essence de notre foi chrétienne et de notre identité. Il écrit : « La foi chrétienne n’est pas une idée mais une vie… La foi est un contact personnel profond avec Dieu, qui me touche dans mes reins et me place devant le Dieu vivant dans l’immédiateté absolue de telle façon que je peux parler avec Lui, L’aimer et entrer en communion avec Lui ». La foi, intimité personnelle avec la Personne de Jésus-Christ, doit être l’esprit ultime de notre célébration de la Semaine Sainte.

Je souhaite me concentrer brièvement sur chacun des trois derniers jours de la Semaine Sainte. D’abord, arrêtons-nous au soir du Jeudi Saint, lorsque Notre Seigneur institue l’Eucharistie et le Sacerdoce. L’Eucharistie est le symbole et la réalité de la magnifique générosité de Dieu se donnant Lui-même à nous dans une intimité totale et une amitié. Essayons d’entrer dans ce mystère par la théologie de l’Eucharistie accordée à saint Jean dans le lavement des pieds de ses disciples par Notre Seigneur. Ceci est une image absolument stupéfiante de la réalité de Dieu dans sa relation avec nous. Jésus dit qu’il est parmi nous comme celui qui sert. Il se donne Lui-même totalement à nous d’une manière non sanglante à la dernière Cène, puis d’une manière sanglante sur la Croix le jour suivant, et enfin Il ne cesse de s’offrir à nous d’une manière non sanglante dans le Sacrifice de la Messe et la Sainte Communion. Il ne peut y avoir qu’une réponse à ce don infini de Dieu et c’est l’action de grâces.

Il y a au moins une chose que nous pouvons dire avec certitude de Frank Duff, le fondateur de la Légion de Marie : il était un homme de l’Eucharistie. L’Eucharistie était absolument au centre de sa vie et au centre de la Légion telle qu’il l’envisageait. Il n’a pas seulement écrit de façon convaincante sur l’Eucharistie dans le Manuel et d’autres écrits, mais il a mis en pratique ce qu’il a écrit. Dans son petit livret, rédigé alors qu’il avait une vingtaine d’années : « Un saint, moi, pourquoi pas ? », il écrit : « Tout d’abord en considérant que notre journée - et sur une éminence séparée comme la Croix elle-même - doit reposer sur la Messe quotidienne et la Sainte Communion quotidienne ». Il serait utile d’entrer dans l’esprit du Jeudi Saint en lisant le chapitre 8 du Manuel sur « Le légionnaire et l’Eucharistie ». Bien sûr, Notre Seigneur ne nous a pas seulement donné l’Eucharistie le Jeudi Saint, mais il nous a aussi fait le don du Sacerdoce et donc il peut être utile de lire lentement et en priant ce que signifie le Sacerdoce pour la Légion au chapitre 10, paragraphe 4 : « Le prêtre et la Légion ».

Un doux silence doit marquer cette journée du Vendredi Saint. Oui, nous lisons ou écoutons le récit de la Passion du Christ selon saint Jean et nous faisons le Chemin de la Croix, mais nous avons, je pense, juste besoin de regarder le crucifix et méditer sur la vérité et la réalité : à quel point Dieu nous aime et est prêt à faire pour nous. Le Pape François a fait la suggestion que le Vendredi Saint, nous devrions prendre un crucifix et l’embrasser pieusement et dire simplement : « Merci Jésus, merci Seigneur ». Oui, le Vendredi Saint est un jour de profonde et sincère action de grâce à Dieu, à Jésus-Christ. Cependant, je pense que ce serait une source de grande grâce, si nous commencions et terminions chaque journée en tenant un crucifix et disant merci pour ce que Dieu nous a montré et fait pour nous sur la Croix. Cela ne prendrait que quelques secondes, mais cela transformerait progressivement notre relation d’amitié avec Jésus.

Permettez-moi de conclure cette réflexion sur le Vendredi Saint avec une citation du beau livre du Cardinal Sarah : « Dieu ou rien ». Il dit : « L’expérience physique de la Croix est une grâce absolument nécessaire pour notre croissance dans la foi chrétienne et une occasion providentielle de nous configurer au Christ afin d’entrer dans les profondeurs de l’ineffable. Nous comprenons alors qu’en transperçant le Cœur de Jésus, la lance du soldat a ouvert un grand mystère, car elle est allée plus loin que le Cœur du Christ, elle a ouvert Dieu, elle est passée, pour ainsi dire, au milieu même de la Trinité.
Je remercie les missionnaires qui m’ont fait comprendre que la Croix est le centre du monde, le cœur de l’humanité et le point d’ancrage de notre stabilité. De fait, il n’y a qu’un seul point ferme en ce monde pour assurer l’équilibre et la consistance de l’homme. Tout le reste est en mouvant, changeant, éphémère et incertain : « Stat Crux, dum volvitur orbis », « la Croix seule demeure stable, et le monde tourne autour d’elle ». Le calvaire est le point le plus haut du monde, d’où nous pouvons tout voir avec des yeux différents, les yeux de la foi, de l’amour et du martyre : les yeux du Christ ». (p.31-32)

Enfin, nous arrivons à l’apogée de la Semaine Sainte : la Veillée pascale, où nous célébrons la Résurrection du Christ. Si le Christ n’est pas ressuscité alors tout ce que nous appelons à penser dans la Semaine Sainte est pire qu’inutile. Mais le Christ est ressuscité pour que, malgré tout ce qui peut sembler être terriblement négatif, la prière fondamentale du chrétien soit Alleluia. Pâques est le propos du Corps mystique du Christ.

Dans la Résurrection, le Christ rend réelle sa présence parmi nous, avec nous, en nous : « Je suis avec vous pour toujours ». Les limites du temps et de l’espace ne sont pas pertinentes pour le Seigneur ressuscité parce que sa présence intime en nous constitue son Corps mystique. Cette doctrine est au cœur de notre spiritualité de la Légion, mais nous devrons en discuter plus longuement à un autre moment.

Permettez-moi de conclure avec une citation de saint Augustin, de l’Office des lectures du Lundi de la Semaine Sainte qui me fait toujours une impression profonde : « Les cœurs des croyants peuvent tout attendre de la grâce de Dieu, car pour eux le Fils unique de Dieu, coéternel au Père, n’a pas jugé suffisant d’être un homme en naissant des hommes, mais il est allé jusqu’à mourir par la main des hommes qu’il a créés.

Ce que Dieu nous promet pour l’avenir est grand ; mais bien plus grand ce que nous commémorons comme réalisé dans le passé. Où étaient-ils, quels hommes étaient-ils, ces croyants, quand le Christ est mort pour des coupables ? On ne peut douter qu’il leur donnera sa vie, puisqu’il leur a déjà donné sa mort. Pourquoi la faiblesse humaine hésite-t-elle à croire ce qui arrivera un jour : que les hommes puissent vivre avec Dieu ?

Ce qui s’est déjà réalisé est encore beaucoup plus incroyable : Dieu est mort pour les hommes. »

Que Marie, qui se tenait près de la Croix et se tient à chaque croix, qui participe si intimement et collabore à l’œuvre totale de notre Rédemption, nous permette d’être ouverts à la grande grâce de cette Semaine Sainte.

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